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Pourquoi le BBC semble parfois plus intéressant que le passif

Alors que l’éco-ptz nouveau vient d’arriver, lors d’un projet de construction ou de rénovation, vaut-il mieux partir sur une cible basse consommation (basse énergie) ou bien sur les normes de consommation de la maison passive ?

Si on entend parfois les intégristes du passif défendre bec et ongles le seuil sacré de 15 kWh/m²/an, il ne faut pourtant pas se leurrer : construire ou rénover une maison passive peut parfois être contreproductif… si on ne s’intéresse pas aux usagers. C’est l’exemple de cette expérience à Fribourg.

Loin de nous l’idée de défendre les lobbies énergétiques qui poussent toujours à une plus grande consommation, et qui influent sur les décisions gouvernementales, dont le résultat le plus visible est la transformation d’un Grenelle en un ensemble de demi-mesures, toujours atermoyées.

L’idée est plutôt de faire part d’un retour d’expérience dans le domaine de la rénovation, dans un quartier devenu le lieu de pèlerinage de beaucoup (dont nous, avouons-le !) : Fribourg.

Fixons le cadre. Fribourg, 2004 : une société de logements sociaux décide de rénover deux bâtiments datant de 1960 de deux manières différentes. Une rénovation sera « basse consommation » et l’autre sera « passive ».

L’objectif est de comparer les coûts d’investissement et les économies d’énergies réalisées. En bon français, cela s’appelle un calcul de retour sur investissement (R.O.I pour les anglophones amateurs de STL).

La consommation des logements est de 208 kWh/m² par an d’énergie finale pour le chauffage (soit 20,8 litres de mazout/m² par an). Ces deux bâtiments vont subir une rénovation lourde, tout en faisant en sorte que les occupants n’aient pas à déménager pendant les travaux. Le coût total (y compris TVA et études est de 2,7 millions d’euros).

Bâtiment 1Bâtiment 2
Objectif de consommation de chauffage après rénovation (en énergie finale)15 kWh/m² an (bâtiment passif)36 kWh/m² an
(bâtiment basse énergie)
Isolation extérieure (20 cm de polystyrène)Isolant très faiblement conducteur:
λ = 0,035 W/mK
Isolant faiblement conducteur:
λ = 0,040 W/mK
Isolation de la toiture (laine de roche)26 cm20 cm
Isolation du plafond des caves (héraclite + laine de roche)21 cm + retombées de 50 cm le long des murs pour réduire le pont thermique10 cm, pas de retombée le long des murs
Châssis PVC à profilés isolés thermiquementTriple vitrage:
Uvitrage = 0,8 W/m²K
Double vitrage:
Uvitrage = 1,3 W/m²K
VentilationMécanique double flux avec récupération de chaleurSimple flux: alimentation naturelle, extraction mécanique dans les cuisines et salles de bain (système C en Région wallonne)
ChauffageLes chaudières individuelles ont été remplacées par deux chaudières centralisées au gaz, à condensation (une chaudière par bâtiment). A l’intérieur, les installations ont été maintenues. Des calorimètres ont été placés sur ces radiateurs.
Eau chaude sanitaireDes panneaux solaires thermiques (30 m²/bâtiment) ont été posés sur les toits pour la production d’eau chaude sanitaire.
Autres aménagementsLes anciens balcons ont été transformés: extension des cuisines et salle-de-bains ainsi que construction de nouvelles terrasses.

Après deux ans d’occupation, l’impact réel des travaux a pu être mesuré. Le voici :

Bâtiment 1Bâtiment 2
Consommation de chauffage (après 2 ans de fonctionnement)27 kWh/m² an (au lieu des 15 prévus)31 kWh/m² an (au lieu des 36 prévus)
Prix/m² études et TVA de 16 % comprises1.100 euros/m²940 euros/m²
Impact des travaux sur la vie des occupantsPerturbations importantes et travaux lourds (ventilation)Perturbations moins importantes

Le premier bâtiment n’a pas atteint ses objectifs, et le second bâtiment les a dépassés. Le coût marginal des quatre derniers kWh gagnés (de 31 à 27kWh/m²/an) est de 160€/m².

Pourquoi le logement passif n’a pas atteint son résultat ?

Après enquête, il s’est avéré que le principal obstacle à l’atteinte des objectifs était tout simplement… les occupants !

Deux bâtiments, deux objectifs, deux programmes de travaux différents, mais les mêmes personnes habitant à l’intérieur, avec les mêmes habitudes et les mêmes comportements…

En fait, l’explication réside dans le fait que, malgré les campagnes de sensibilisation, les occupants n’ont pas pris en compte le fait qu’une VMC double flux fonctionne de manière différente qu’une VMC simple flux. Ils ont donc continué à ouvrir les fenêtres pour aérer leur logement comme d’habitude, en ne prenant pas en compte le fait que cela cause des dérèglements importants au niveau de la VMC : tous les échanges d’air doivent en effet être réalisés par l’échangeur de la VMC2F.

On en déduit la règle suivante : plus le bâtiment possède un objectif ambitieux, plus le comportement de l’occupant joue un rôle dans la consommation énergétique finale.

Bailleurs et investisseurs

Voici quelques chiffres issus de l’étude :

Avant la rénovation, le loyer (hors charges) s’élevait à 4 euros/m².

Après la rénovation, le loyer (hors charges) s’élève, dans le bâtiment 1 à 5,4 euros/m² et dans le bâtiment 2 à 5,1 euros/m².

Les bâtiments consommant nettement moins d’énergie, les charges ont diminué. Le montant total payé par le locataire a cependant augmenté de 0,5 euro/m².

Formation et accompagnement des usagers

Attention : loin de nous l’idée de déprécier le passif. Il s’agit simplement de noter le passif implique des modifications sur les comportements des utilisateurs, pas toujours faciles à réaliser. Le niveau de performance énergétique visé étant plus poussé que pour un projet BBC, l’écart dû aux comportements des usagers peut s’avérer plus conséquent.

La clé de voûte est donc l’accompagnement et la formation des futurs usagers. Et ceci quelque soit le niveau de performance énergétique visé, selon le public !
Les changements de comportement sont en marche, et la large sensibilisation opérée par les espaces info énergie et l’ADEME portent progressivement leurs fruits.
Cependant, il revient aux concepteurs du projet et aux éventuels futurs gestionnaires d’accompagner ce changement de manière opérationnelle.
D’autres opérations, telles que le concours Familles à énergie positive permettent de faire cette sensibilisation de manière ludique.

Une construction performante énergétiquement n’élude pas les usagers, bien au contraire; ils sont plus que jamais partie prenante dans la réussite des projets. A nous de les intégrer efficacement !

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