La paille et autres matériaux de construction écologiques connaissent un gain d’intérêt, bien mérité. Sommes-nous pour autant à l’aube d’un grand chamboulement dans la construction ?
Tout porte à le croire… au moins sur papier.
La définition des éco-matériaux
Parler d’une filière sans clairement la définir est le premier défi autour des éco-matériaux !
Par « éco-matériaux » on fait traditionnellement référence à des matériaux issus de filière végétale, animale, recyclée, renouvelable et/ou recyclable. Autant dire une gamme de choix large : chanvre, paille, fibre de bois, ouate de cellulose, textile recyclé, laine de mouton…
Sont exclus les matériaux issus de la chimie et/ou dont l’énergie grise est considérée comme « excessive » comparée à la moyenne des autres matériaux.
Cette définition porte toutefois des limites car d’après Samuel Courgey, auteur du livre L’isolation thermique écologique certains matériaux de source minérale, disponible en grande quantité et recyclable sont également à classer dans cette famille (cas du multipor).
Quant à la notion de recyclage, elle nous conduit à imaginer que des matériaux décriés aujourd’hui puisse un jour être considérés comme « éco ». Par ex, le polystyrène représente actuellement 35% du marché des isolants français à lui seul. Que se passerait-il demain si la filière s’organisait de manière à recycler et réutiliser à l’infini le polystyrène existant ? Celui récupéré dans le cadre de déconstruction ? Au risque de vous décevoir, nous n’avons pas la réponse à cette question mais il semblerait que les industriels se penchent sur cette possibilité.
Face à cette difficile définition des éco-matériaux, les Amis de la Terre proposent une approche en 4 points :
“1 / « Mise en œuvre » : l’écomatériau doit avoir des qualités techniques, être apte à l’emploi et correctement mis en œuvre pour assurer la durabilité de ses performances dans le temps
2 / « Santé et confort » : l’écomatériau ne doit pas être nuisible à la santé de l’occupant ou de l’artisan ; il doit assurer le confort de l’habitant
3 / « Environnement » : le matériau doit nécessiter un minimum d’énergie sur l’ensemble de son cycle de vie et permettre des économies d’énergie pendant la durée de vie du bâtiment grâce à son pouvoir d’isolation. Ses matières premières sont issues de ressources renouvelables
4 / « Développement local équitable » : l’écomatériau mobilise des ressources locales et créé de l’emploi dans le cadre d’activités redistributives ; il est accessible à tous (en terme de ressources financières et d’information fournie).„
Cette définition a le mérite de viser l’exhaustivité. Malheureusement l’éco-matériau idéal n’existant pas, un matériau peut être « mauvais » sur un critère et meilleur par ailleurs. Par ex, l’énergie grise d’une brique de terre cuite est plus élevé que celle du… béton.
A souligner également que le 4ième axe semble aujourd’hui « idéaliste » car la principale critique sur les éco-matériaux est leur coût élevé.
Une question de prix
Souvent des interlocuteurs nous demandent incrédules « comment le chanvre ou la fibre de bois peuvent-ils être plus chers qu’une laine de verre, alors que cette dernière est grandement transformée ? ». La réponse est simple, elle s’appelle : volume.
Face aux millions de m3 de matériaux conventionnels produits chaque année, le coût de production industrielle devient défavorable aux éco-matériaux.
Et pourtant, les éco-matériaux percent… lentement mais surement.
Une croissance à deux chiffres
Les principales industries des éco-matériaux (ouate de cellulose, fibres de bois et chanvre) mettent en avant aujourd’hui un CA de 200 M€… sur un marché français de l’isolation évalué à 1,3 Md€. Une goutte d’eau dans la mer ? Pas pour longtemps, a priori.
D’après l’Association syndicale des industriels de l’isolation végétale (Asiv), les isolants végétaux par exemple représentent aujourd’hui 6% du marché des isolants et pourraient rapidement atteindre les 10%.
Mieux encore, toutes filières confondues (également les filières recyclées comme l’isolant Métisse), la croissance annuelle des éco-matériaux serait de 30 à 40 % par an !
Structure de la filière
Aux côtés des fabricants « historiques », comme l’entreprise européenne Steico spécialisée en fibre de bois, de nouveaux fabricants se sont progressivement lancés. Résultat : la filière organise le lobbying avec la volonté de promouvoir et défendre leurs matériaux, malgré des moyens somme toute assez réduits.
A titre d’exemple, l’Asiv citée plus haut participe activement aux instances qui traitent des questions de l’isolation comme l’Acermi et le CSTB par exemple.
Mais le défi de la filière n’est pas forcément là : il lui faut aujourd’hui convaincre les négociants de matériaux pour mieux toucher les artisans… dont certains sont encore étrangers à cet univers. On parle souvent d’immobilisme dans le bâtiment sans prendre en compte que le tissu artisanal est composé d’entreprises d’une à 5 personnes qui peinent à se mettre « à jour ». Les fabricants gagneraient donc à participer à la formation des artisans !
Les perspectives d’intégration des éco-matériaux dans le paysage Français sont plus que prometteuses. Il ne reste plus qu’à convaincre les maitres d’ouvrage de payer temporairement un léger supplément pour avoir de la ouate de cellulose ou de la fibre de bois… au lieu d’une laine minérale.